Le Guip est à l’étroit à l’Île-aux-Moines mais s’agrandit à Brest
On ne reçoit pas un ministre tous les jours, et le 10 février dernier, le site du Guip de l’Île-aux-Moines était à l’honneur en recevant Martine Pinville, secrétaire d’État au Commerce et à l’Artisanat. Il s’agissait pour Mme Pinville de saluer un chantier bénéficiant depuis octobre 2008 du label national EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant), créé pour promouvoir des entreprises « détenant un savoir-faire rare, renommé ou ancestral, reposant sur la maîtrise de techniques traditionnelles ou de haute technicité ». Seules 1400 entreprises bénéficient en France de ce label.
Ce fut l’occasion pour Paul Bonnel, responsable du site du Golfe du Morbihan, d’exprimer son souhait d’obtenir l’autorisation administrative de construire un bâtiment neuf, à la fois mieux intégré au paysage et permettant d’intervenir sur plus de bateaux ; l’occasion aussi d’évoquer la nécessité de dérocter l’approche de la cale, afin d’accueillir des bateaux d’un tirant d’eau de 2,30 m au lieu de 1,90 m maximum aujourd’hui, qui oblige à diriger certaines unités sur le site de Brest.
Les 2 sites du chantier du Guip (Île-aux-Moines et Brest) marchent en effet main dans la main, dans une même philosophie de travail : respect du patrimoine, exigence technique. Ainsi, c’est à l’Île-aux-Moines que l’équipe de charpentiers morbihannais a façonné et livré le mât de hune et le gouvernail de la Belle-Poule en Arrêt Technique Majeur à Brest, mise pour le reste aux mains des charpentiers brestois du chantier (voir plus loin).
Penn Brell fin prêt pour la Semaine du Golfe
C’est aussi à l’Île-aux-Moines que l’on s’occupe de Penn-Brell, un Naïade sur plans Philippe Harlé (1931-1991), classé « Bateau d’intérêt patrimonial ». La dérive de ce sloup, coincée depuis des années par la corrosion dans son puits, ne permettait guère à ce joli bateau d’exprimer toutes ses possibilités. Le voici, après dépose du lest et réfection, prêt à rejoindre la flottille qui cinglera lors de la fameuse « Semaine du Golfe » en mai.
Un nouveau pont pour Tom Tit
Tom Tit est un quillard de sport de 6,5 m, issu de la série française des 6m50 de la jauge dite des « Chemin de fer » imaginée en 1906 par Eugène Laverne, membre du Cercle de la voile de Paris et Louis Dyèvre, de la Société des régates de Vannes. Promue série nationale en 1907 par le Yacht Club de France, série internationale — d’où le sigle SI — et série olympique pour les Jeux olympiques de 1920, ces 6m50 furent les voiliers de la One Ton Cup entre 1920 et 1923.
Tom Tit a survécu. Le voici fringant, paré d’un pont en teck neuf, et prêt à être remis à l’eau en juillet.
Et le Guépard ne cesse de feuler
Le site du Guip s’est aussi fait une spécialité du « Guépard », dériveur houari imaginé et lancé dans les années 60 par Étienne Riguidel, l’oncle du célèbre Eugène. À ce jour, pas moins de 45 unités de cette fameuse « plate en V » sont sorties du chantier et viennent régulièrement s’y faire entretenir (au sens noble du terme).
À Brest, l’heure est à l’agrandissement avec la construction d’une nouvelle nef (35 m x 12 m) pour faire face aux demandes de clients qui viennent maintenant de toute l’Europe.
Les grands travaux sur la Belle-Poule sont terminés. C’est une goélette toute pimpante qui a été remise à l’eau le 16 mars à l’issue de cet « arrêt technique majeur » (ATM) décidé par la Marine nationale. L’ATM avait permis en 2015 la réfection totale du rouf passerelle et au niveau charpente marine, certaines lisses, jambettes, barrots et lames de pont avaient été remplacés. La mature, quant à elle, avait bénéficié d’une nouvelle vergue de hunier fixe et d’un nouveau pic pour la grand-voile.
En 2016, les travaux ont porté sur une partie essentielle du bateau : le remplacement de l’étambot, pièce majeure de la structure axiale, qui porte tout l’arrière du bateau. L’opération complexe, inédite sur un bateau de cette taille, avait mobilisé 10 charpentiers du chantier.
C’est la fin de chantier pour le Cap-Sizun, sloup langoustier d’Audierne, géré par l’association « Bateau Cap-Sizun », dont tous les membres sont bénévoles (et fortement impliqués). Lancé en 1990 pour le concours « Bateaux des côtes de France », le bateau de 26 ans demandait quelques travaux d’entretien : changement du pavois, recalfatage des bordés de pont et réfection des joints de pont, réfection des capots et du rouf, changement de la corne et du bout-dehors.
Le Cap-Sizun pourra continuer de proposer des sorties en baie d’Audierne et au-delà, pour faire connaître le patrimoine maritime du pays de la pointe du Raz, et au-delà.
Nous avons raconté dans une newsletter précédente le destin tumultueux avec plaies et bosses de ce grand ketch aurique de 1916 (ex-Eroika, ex-Gilnockie, ex-Polaris, ex-Étoile polaire) qui vient de retrouver son nom d’origine Skeaf. Après diverses aventures et mésaventures, guerrières et civiles, le bateau avait chuté lors d’une mise au sec en 2003 et subi de sérieux dégâts. C’est déjà le chantier du Guip qui avait été chargé de refaire tout son tiers avant.
Cette fois il s’agissait, dans la continuité des travaux de 2003, de changer toutes les autres membrures et varangues en métal, ainsi que 2 fourchettes de la voûte, quelques bordés, et de travailler sur le lest et sur l’environnement moteur de ce yacht de 50 tonnes et 23 m de coque (30 m hors-tout). Beaucoup de yachts du début XXe siècle ont été construits sur membrures métalliques et pour répondre aux demandes de restauration dans ce domaine très technique, le chantier du Guip a mis au point un outillage spécial.
Skeaf sera remis à l’eau fin avril.
Un pont tout neuf pour Séverine
Réplique de Kinkajou, dessiné en 1927 par John G. Alden, Séverine (ex-Saint-Salomon) est une goélette en aluminium de 18,80 m hors-tout, construite en 1993. Le propriétaire espagnol a confié son bateau au chantier du Guip pour une importante restauration : aménagement intérieur, gréement et réfection complète du pont.
Jusqu’alors, le pont en teck était fixé directement sur le pont en aluminium, ce qui a occasionné des problèmes de corrosion. Désormais, un pont en contreplaqué marine viendra reposer sur le barrotage aluminium et recevra ensuite les bordés de pont en teck.
Séverine devrait être remise à l’eau en décembre.
Dessiné par l’architecte danois Knud Reimers (1906-1987) en 1946, construit en 1947 pour le général Guisan, le 8m JI suisse Glana a été conçu pour les petits airs. Au sein de la grande famille de la « Jauge Internationale », les 8m JI sont parmi les plus prisés (les rois d’Espagne avaient leur faveur). Avec une longueur moyenne de 14 mètres, ils offrent une habitabilité honnête sans demander un équipage pléthorique. Il s’en est construit environ 500 depuis 1907 et selon le « International Eight Register », 177 naviguent aujourd’hui. Le 8m JI fut bateau olympique de 1908 à 1936 et s’est même permis quelques audaces puisque c’est un 8m JI à l’abandon que Vito Dumas acheta à Arcachon en 1931 et regréa en yawl pour une traversée de l’Atlantique en 5 étapes et 76 jours, performance qui laisse aujourd’hui rêveur.
Plus sagement, c’est sur le lac Léman que Glana tire l’essentiel de ses bords. Un grand carénage l’attend, avec notamment la réfection de quelques membrures et une peinture complète, avant d’être remis à l’eau fin juin.
Danycan, régatier indomptable
Construit en 1949 par le chantier Pierre Delmez au Perreux-sur-Marne sur les plans de l’architecte lorientais Eugène Cornu (1903-1987), Danycan est un sloup bermudien à cul canoë, style élégant qu’affectionnait l’architecte. Ce classe III du RORC affiche un palmarès impressionnant en courses-croisières entre 1952 et 1961, aux mains du comte Michel de Rosambo.
Il passe ensuite de propriétaire en propriétaire, jusqu’à un quasi abandon. Son actuel et 12e propriétaire l’a acheté en très mauvais état en 2008 pour en faire réaliser la restauration à sa configuration primitive. Avec l’aide de l’État, de la région Bretagne, du département du Finistère et de la commune de Crozon, le bateau rentre en chantier en 2009, où il est pris en charge par les Charpentiers de Marine Camarétois pour des travaux qui lui permettent de régater à nouveau en 2014. Entretemps, Danycan a fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis mars 2011.
Un important complément de restauration a été entrepris par le chantier du Guip en 2016, avec le remplacement de la structure axiale arrière : étambot, massif de tube et allonge de voute.
Après quelques travaux d’entretien courant, Danycan sera remis à l’eau au mois de mai.